Frédéric Lenoir, sociologue, journaliste, écrivain et conférencier français, est un auteur contemporain très prolifique : soit plus de cinquante ouvrages sociologiques et sur l’histoire des religions, mais aussi des romans et des contes traduits dans une vingtaine de langues, à travers la planète. L’âme du monde (2012), c’est lui ; Cœur de cristal (2014), c’est encore lui ; Juste après la fin du monde (2021), idem.
Dans Vivre ! Dans un monde imprévisible, Lenoir nous propose un manuel de résilience pour surmonter les crises, qu’elles soient pandémiques, sociales, émotionnelles ou psychologiques.
Dans les premiers chapitres de l’ouvrage, il revient sur la signification du mot « crise » en chinois, représenté par deux idéogrammes. Le premier veut dire « danger », mais le second se traduit par « opportunité ». En grec, « crise » veut dire qu’il faut effectuer un choix. Il cite également le psychologue Carl Gustav Jung (dont les travaux de recherches sont une mine d’informations précieuses) : « Les crises, les bouleversements, la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. »
Frédéric Lenoir propose des pistes pour surmonter les obstacles du quotidien, mais également apprendre à vivre (et non à survivre) dans ce nouveau monde qui s'est mis en place depuis plus de deux ans. Regretter le monde d’hier, espérer un « retour à la normale », est une idée vaine qui nous maintient dans la souffrance. Depuis plus de cinquante ans, l’Occident a été épargné par les guerres, les famines, les maladies. Les générations européennes, nées après la Seconde Guerre mondiale, n’ont pas eu à faire face à de telles adversités. Jusqu’à la pandémie de 2019.
« La crise du Covid-19 a provoqué chez beaucoup un stress puissant : peur de la maladie et de la mort (voire deuil pour ceux dont les proches sont décédés), angoisse face à l’incertitude de l’avenir, à la faillite économique, anxiété devant l’impossibilité de circuler librement et de rejoindre certains de nos proches, etc. » (P.54)
Mais le confinement nous a aussi appris à ralentir notre cadence infernale quotidienne et à profiter de l’instant présent (pour certains d’entre nous, du moins). « Nous avons peut-être en effet découvert que nous prenions plus de plaisir à prendre le temps de faire les choses, ou même à consacrer du temps à ne rien faire, à contempler un paysage, à rêvasser, à être à l’écoute de nos états d’âme après une conversation avec un proche, la lecture d’un livre ou le visionnage d’un film. » (P.62) Nous avons aussi appris à édifier notre « citadelle intérieure », comme l’appelait Marc Aurèle, un espace intime inaccessible et résistant aux troubles extérieurs (« un monde de plus en plus chaotique et imprévisible ») et qui favorise ce que les stoïciens et les épicuriens nommaient l’ataraxie, soit « l’absence de trouble, la tranquillité de l’âme ».
Pour certains, le renforcement des liens les uns avec les autres malgré la distance physique, l’usage quotidien de l’humour ou encore l’amour et la bienveillance mutuelle, ont permis de dépasser cet environnement anxiogène et de continuer de vivre.
« L’humour, le rire, l’ironie sont au cœur d’un grand courant philosophique dont je me sens très proche : le taoïsme. Apparu en Chine vers le VIe siècle avant notre ère, le taoïsme valorise l’humour comme facteur de détachement. Le rire nous permet de nous détacher d’une situation douloureuse, absurde, inconfortable, par la force de notre esprit. » (P.49)
En 2016, Frédéric Lenoir a cofondé une association avec Martine Roussel Adam : SEVE. Cette fondation française a pour but de développer des ateliers de philosophie auprès du jeune public (enfants et adolescents). Dans cet ouvrage, l’auteur nous rappelle à quel point les enfants et les adolescents souffrent émotionnellement et psychologiquement de cette crise qui n’en finit pas. « Le confinement a été, pour eux et leurs parents, une épreuve particulièrement rude. Si une telle situation devait se reproduire, il faudrait, là encore, que le gouvernement fasse preuve de plus de souplesse pour que ces enfants puissent avoir davantage de possibilités de bouger et d’entretenir des liens sociaux. Comme après tout choc émotionnel, il est nécessaire que nous prenions conscience du traumatisme vécu par les enfants et que nous puissions les aider à en parler, à verbaliser leurs émotions et leurs ressentis, à élaborer leur pensée et à la partager. » (P. 81) Je ne peux que partager l’opinion de l’auteur.
Pour conclure, je vous invite grandement à lire Vivre ! Dans un monde imprévisible. C’est un ouvrage qui fait du bien !
144 pages / nouvelle édition chez Pocket en juin 2021
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