Où allons-nous ? En Amérique, au Sénégal et en Angleterre
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Pape Thiam est un jeune trentenaire installé aux États-Unis depuis de nombreuses années. Il y gagne sa vie durement en tant que chauffeur de taxi. Il est propriétaire de son véhicule (« owner operator ») à Louisville, dans le Kentucky. Son « Yellow cab » porte le numéro 359.
Fasciné par les voyages depuis toujours, il a réussi à réaliser son « American dream » en quittant sa famille sénégalaise pour aller s’installer de l’autre côté de l’océan alors qu’il n’avait que dix-sept ans. Mais avant de pouvoir acheter son propre taxi, il a dû enchaîner des labeurs ingrats (serveur, employé dans une usine) mais toujours légaux.
« Passées les longues procédures en tous genres, l’investissement de Pape Thiam avait porté ses fruits. Il s’était vu offrir un chemin vers la citoyenneté américaine. Le jeune-homme avait obtenu ses papiers qui régularisaient sa situation aux États-Unis. » (P. 21)
Le tempérament jovial et avenant de Pape Thiam fait de lui une personne appréciée de tous.
« Toujours disponible, Pape Thiam ne manquait jamais d’offrir ses services. Il avait son taxi toujours garé aux encablures du magasin et ses concitoyens qui y venaient sans moyen de locomotion bénéficiaient la plupart du temps de ses free rides. » (P.24)
Mais voilà, le soir du dimanche 16 novembre 2014, Mapenda Ndao, le compatriote et colocataire depuis douze ans de Pape Thiam n’arrive pas à le joindre par téléphone. Pape est sorti faire une course, sans lui dire où il se rendait. Mapenda est également chauffeur de taxi, dans la même ville.
« One cab driver was found shot and death in Newburg. » (P. 32)
À mon humble avis :
Ce roman journaliste à quatre mains peut sembler quelque peu déroutant aux prémices de sa lecture. Les styles littéraires mis en commun par les deux auteurs déroutent parfois, surtout si l’on s’attend à un « pur roman ». Mais n’oublions pas que les écrivains ont avant tout une formation et un cursus journalistiques. À travers leurs écritures, ils nous fournissent beaucoup de détails historiques, aussi bien sur les fusillades qui font rage en Amérique, que sur le déroulé d’une enquête criminelle, mais également sur le fonctionnement de la Justice aux États-Unis (la « Bill of Rights »).
« Les fusillades de masse encore appelées « mass shooting » ou « mass kiling » s’y produisent avec une étonnante régularité. Sur le sol américain, on a plus de chance de mourir d’une balle que d’une maladie, d’un accident de la circulation, ou du travail. Les armes pullulent un peu partout. » (P.48)
Il nous est également rappelé à quel point le métier de taxi comporte de grands risques qui peuvent même coûter la vie à certains d’entre eux. Par la suite, on apprend que le taxi 359, avant d’appartenir à Pape Thiam, était celui d’un Mauritanien, lui aussi assassiné par balle.
« Le meurtre de Pape Thiam confirme combien le métier de taximan est périlleux. Il figure sur la liste des professions les plus dangereuses, avec des taux d’homicides assez élevés partout dans le monde. Les États-Unis n’y échappent pas. Fréquemment, des malfrats s’en prennent aux taximen qui, même dans leurs véhicules, sont loin d’être en sécurité. Croyant que ces derniers sont pleins aux as, ils les agressent et les abattent tout simplement.» (P.97)
Ce qui fait la différence :
Sur fond d’intrigue policière, Taxi 359 nous plonge dans l’enquête du détective Scott Beatty, bien décidé à retrouver les responsables de la mort de Pape Thiam. Il découvre rapidement que les responsables du guet-apens tendu au héros du roman sont mineurs.
Notons également un décor « sénégalo-américain » bien planté dans ce roman journalistique. La communauté sénégalaise implantée depuis de nombreuses années aux États-Unis garde des liens forts et un soutien continuel envers ses compatriotes.
Ce roman dénonce à la fois la souffrance, l’incompréhension et l’impuissance des familles sénégalaises ayant perdu un être cher de la manière la plus subite possible et incompréhensible. N’oublions pas que ce livre est un hommage rendu à toutes les victimes d’origine sénégalaise, parties trop tôt, par arme à feu, loin de leur terre natale.
« Comme beaucoup de pays, les États-Unis ont sécrété de véritables monstres ; des détraqués, qui, selon leurs humeurs, sèment le chaos un peu partout. C’est comme s’ils éprouvaient un malin plaisir à abréger les vies de pauvres innocents dont le seul péché est de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. » (P.49)
Belle lecture à vous et bravo aux auteurs.
182 pages / Juin 2019 / Aux éditions de l’Harmattan Sénégal
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