Où allons-nous ? En France, en banlieue parisienne
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Gustave est issu d’une famille modeste. Il vit en banlieue parisienne, au 7ème étage d’une grande tour grise de cité dans laquelle l’ascenseur ne fonctionne presque jamais. Au pied de la tour, rodent souvent dealers, agresseurs et décrocheurs. Lorsque le roman débute, Gustave entre en CP et sa sœur, Joséphine en CM2.
«Gustave Aubert était un garçon mince, au tempérament rêveur, et très discret. Il parlait peu, ne cherchait pas la compagnie des autres, et s’entendait surtout avec les animaux. Quelle que fût la situation, Gustave était d’accord. Il ne voulait contrarier personne, surtout pas sa mère. » (P.11)
Gustave grandit, le couple parental se disloque, ses relations avec ses paris ne s’arrangent pas et surtout, sa vie scolaire devient un enfer, la majorité de ses enseignants considérant qu’il n’est bon à rien et que son intelligence serait limitée. Ses résultats ne sont absolument pas satisfaisants malgré tout le temps et les efforts que sa mère (Noémie) consacre quotidiennement à ses côtés pour l’aider de son mieux. Il semble répondre à tous les critères de la réorientation scolaire et de la voie professionnelle.
« ̶ C’est-à-dire ? questionna-t-elle, anxieuse. ̶ Il est lent, mais lent… Il faudrait qu’il se réveille et mette le turbo : on n’est plus en maternelle ! Il est toujours en décalage, ne comprend ni les questions ni les consignes. Il est obligé de rester pendant la récréation pour finir. Aujourd’hui, il n’avait fait qu’un tiers de l’exercice quand les autres avaient déjà terminé. Ça, pour être dans la lune… » (P.35)
À mon humble avis :
Né sous une bonne étoile est le sixième roman d’Aurélie Valognes, et le premier que je lis de l’auteure. L’ouvrage est arrivé sous le sapin en guise de cadeau de Noël et je remercie Papa Noël pour cette attention, car j’ai beaucoup apprécié cette lecture, à la fois poignante et rafraîchissante.
Alors, bien entendu, la thématique principale choisie par l’écrivaine résonne fort en moi, vu que je travaille aussi en milieu scolaire depuis de nombreuses années et que j’accompagne des enfants et des adolescents avec des besoins spécifiques. En bref, des jeunes qui sont loin d’être bêtes, c’est bien le contraire, mais des jeunes en souffrance qui évoluent dans un système éducatif qui n’a, majoritairement, ni l’ambition ni la volonté de leur donner le goût d’apprendre et de s’épanouir à travers la connaissance. Des jeunes à qui l’on répète durant de nombreuses années qui ne sont pas capables de s’adapter à l’école, alors que c’est bien le contraire : c’est l’institution qui ne cherche pas à s’adapter à elles/ eux dans la plupart des cas !
Ce qui fait la différence :
Je l’ai dit précédemment, ce roman raconte le parcours souvent chaotique des cycles de primaire et de Collège du jeune Gustave. Et lorsqu’on lit le livre, on se dit qu’Aurélie Valognes doit forcément avoir une formation professionnelle en relation avec le monde de l’éducation pour dépeindre un tableau aussi précis, et pourtant. À la fin de son ouvrage, elle s’explique en ces mots :
« Je tiens à remercier tout particulièrement les enseignants, les CPE, les chefs d’établissement, les infirmiers, les psychologues et les conseillers d’orientation, les orthophonistes, les élèves aussi, que j’ai interviewés pendant plus d’un an pour préparer ce roman et qui m’ont rappelé qu’il y a plein de Bergamote autour de nos enfants. » (P.333)
La sœur de Gustave, Joséphine, apporte également une puissante dynamique au roman. Joséphine veut s’en sortir grâce à des études brillantes. Elle veut quitter sa cité et faire partie de l’élite, riche et puissante. Elle est brillante, ambitieuse et a des facilités scolaires, contrairement à son frère. Et bien qu’elle le malmène souvent à cause de son ego démesuré qu’elle a du mal à refréner, l’écorchée vive reste attentive et compatissante aux souffrances endurées par son jeune frère.
«̶ Je suis en colère, Gus-Gus. On n’est pas armé dans la vie quand notre seul bagage est la sous-culture, soupira-t-elle. […] On est nivelé par le bas, Gus-Gus. […] On est biberonné à la médiocrité, continua Joséphine. Avec les programmes télé qui ne font pas de mal. Aussitôt vus, aussitôt oubliés ! Mieux encore si l’on s’endort devant. Prozac cathodique ! Moins cher pour la sécu. Efficacité prouvée. Vu à la télé. » (P.140-141)
Je ne pourrais finir cette chronique sans vous parler de Mlle Bergamote, la professeure de français du collège dans lequel Gustave poursuit sa scolarité (bien que ce soit plutôt la scolarité qui le poursuive avec un fort acharnement !).
« « Tout, sauf enseignante », telle était la vocation de Céline Bergamote. […] Puis sur un malentendu, elle avait testé une journée d’enseignement et, comme ça lui avait plu, elle avait tenté le concours, n’imaginant jamais un seul instant le réussir, encore moins devenir réellement enseignante. […] Depuis un an, Mlle Bergamote n’aimait plus son emploi d’enseignante. Ou plutôt les conditions dans lesquelles elle devait l’exercer. Elle était jeune, mais se sentait déjà rassie de l’intérieur. Asséchée. Non pas par les élèves, mais par les moyens dont elle disposait, par les collègues pleurnichards qui déteignaient sur elle, par le nouveau Directeur qui disait non à toutes ses propositions. » (P.209 à P.211)
Belle lecture à vous et merci à l’auteure pour l’écriture de ce livre!
342 pages / Octobre 2020 (couverture bleue) / Aux éditions Fayard/Mazarine
Comments