Lorsque le maître du roman twisté français sort un nouveau livre, que fait-on ? On le lit, bien sûr ! Pour ma part, c’est chose faite, deux jours après sa sortie officielle.
Cette année, faites place à la Nouvelle Babel, aux éditions Les Presses de la Cité.
Depuis 2058, le monde est gouverné par un seul et même président, Galiléo Nemrod. Le slogan de la Constitution mondiale est le suivant : « Une seule Terre, un seul peuple, une seule langue ». Les frontières ont été abolies, les nationalités avec. À la vitesse de la pensée, les individus se téléportent partout dans le monde, pour admirer un coucher de soleil, aller travailler à l’autre bout de la planète ou faire du shoping. L’espagnol est devenu la langue mondiale. Les religions ont disparu. « Chaque horloge, montre, ou pendule sur la Terre est réglée sur le Temps Universel ». Bienvenue en 2098.
Les mégalopoles n’existent plus puisqu’il n’y a plus de distance. Il a suffi de quarante années pour que le processus de désurbanisation s’étende à toute la planète. Désormais, c’est PANGAïA, la base de données mondiale qui est en charge de coordonner et d’enregistrer en continu l’intégralité des déplacements mondiaux via le processus de téléportation.
Le roman débute sur l’île privée de Tetamanu, en Polynésie, en plein milieu de l’océan. Les dix habitants de l’île, des retraités fortunés à la vie apparemment paisible, sont sauvagement assassinés. Le commandant Artem Akinis et ses deux adjoints, Mi-Cha (une jeune Coréenne de vingt-six ans, prodige de l’informatique) et le lieutenant Babou Diop (un géant sénégalais proche de la retraite) ont pour mission de trouver les coupables. Ils appartiennent tous les trois au Bureau d’Investigation Criminelle.
« Le nombre de crimes de sang, depuis la téléportation humaine, n’avait cessé de diminuer chaque année, non pas parce qu’il existait moins de psychopathes sur terre, de jaloux, de violeurs ou de braqueurs, mais parce que les victimes potentielles avaient progressivement intégré, en cas de danger, le réflexe de se téléporter. Il existait même un bouton d’urgence sur la plupart des TPC » (P. 48)
En parallèle, Cléo Loiselle, vingt-neuf ans, est une jeune institutrice d’origine normande qui vit seule sur l’île de Honshu, au Japon. Sa mère, qui a la fâcheuse tendance à être envahissante et à faire les entremetteuses, lui annonce qu’elle est invitée par un ami d’enfance (Élias, toujours amoureux d’elle après toutes ces années) à participer à la finale de la Coupe du monde, à Rio. Élias est tellement prévenant qu’il a même réservé leur cérémonie de mariage à la basilique Saint-Pierre de Rome pour dans vingt ans, le 31 mai 2118.
Dans quelques jours, les habitants de la Terre fêteront le centenaire de la téléportation. Un événement planétaire. Pour l’occasion, le président Nemrod a fait travailler les meilleurs architectes du monde sur la construction d’un bâtiment pharaonique : La Nouvelle Babel.
Lilio de Castro est un jeune journaliste qui travaille pour l’Independiente Planet. Le président lui accorde une interview exclusive de trente minutes. Le journaliste est surpris par cette faveur présidentielle :
« — Pourquoi moi ? Mon journal est loin d’être le plus lu dans le monde.
— Mais il est de loin le plus pertinent ! Vous le savez bien. Le seul à discuter les principes de la Constitution de 2058, le seul à publier des cartes du monde ancien, le seul à avoir eu l’audace de publier des éditions en langues anciennes ! […] Le seul à pousser la provocation jusqu’à publier un compte rendu d’un ouvrage interdit, Droit du sang… » (P. 87)
Que vous confier de plus au sujet de Nouvelle Babel ? Il est excellent ! Michel Bussi a fait preuve d’une grande audace : sortir de sa zone de confort littéraire et se lancer dans un roman d’anticipation qui, bien souvent, flirte avec la dystopie, sans pour autant tomber dans une vision totalement apocalyptique et déprimante. Par ailleurs, à mon humble avis, les réflexions de l’auteur, disséminées dans son texte travers les réflexions de ses personnages, dépassent le cadre romanesque et nous donnent à méditer sur l’avenir dans lequel nous souhaitons nous projeter.
« — À ton avis, comment fonctionne toute dictature ? Comment survit tout système totalitaire ? Il désigne des ennemis, si possible des ennemis de l’intérieur, des boucs émissaires si tu préfères, il leur fait porter la responsabilité de toutes les frustrations de la population, puis il les élimine, pour aboutir à une race pure débarrassée de ses opposants supposés. » (P. 274)
Et puis, bien sûr, dans le pur style Bussi, Nouvelle Babel est un roman twist qui vous bousculera jusqu’à la dernière page.
Belle lecture et bravo à l’auteur pour ce nouveau roman.
446 pages / Publié le 03 février 2022 aux Éditions Presses de la Cité
Retrouver les autres chroniques littéraires sur les romans de Michel Bussi sur le site :
612 – Qui a tué le Petit Prince / Le temps est assassin / Rien ne t’efface / On la trouvait plutôt jolie / Au soleil redouté
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