Où allons-nous ? En France, à Paris
À quelle époque ? Entre 1988, 2009 et 2014
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Théo, Maxime et Julien sont trois adolescents partis en colonie de vacances, durant la période estivale. Rapidement, des liens se tissent entre eux, mais la fin des vacances approche et la veille du départ, un incendie se déclenche en pleine nuit dans la bâtisse qui héberge les enfants. Théo aurait pu sortir du bâtiment sans mettre sa vie en danger, mais il n’en fait rien. Déterminé à sauver ses amis, il rebrousse chemin pour venir en aide à Maxime et Julien, à l’étage du dessus.
« Au visage terrorisé de l’une des surveillantes, Théo comprit que le feu n’allait pas tarder à se répandre dans toute la cage d’escalier. Il n’avait jamais songé à la mort. Était-ce une préoccupation lorsqu’on avait treize ans et qu’on était en bonne santé ? Évidemment pas. Mais à ce moment précis, toutes les fibres de son corps lui hurlèrent de décamper en vitesse s’il voulait rester en vie. Pourtant, au moment où l’animatrice l’attrapait par le bras pour le pousser vers les marches, Théo se cramponna à la balustrade qui commençait déjà à chauffer : il songea qu’il ne se pardonnerait jamais d’être sorti de cet enfer sans son ami. » (P.15)
Vingt ans sont passés. Théo, Maxime et Julien sont devenus les meilleurs amis du monde, car l’événement survenu dans leur jeunesse « resterait à jamais inscrit dans leur chair ». Inséparables bien qu’en couple, ils continuent d’entretenir une relation amicale, sincère et intense. Mais Théo ne va pas bien. Sa surcharge de travail l’a entraîné vers un burn-out, et ce, malgré les nombreux avertissements de sa femme, Marine.
« Un mois déjà qu’il errait comme un zombie dans l’appartement… Seuls les départs et retours de Marine et Julie rythmaient maintenant la monotonie des jours. Quatre semaines que son BlackBerry et son ordinateur lui avaient été « confisqués » sur ordre du médecin de famille et sous la surveillance de Marine. Trente et un jours qu’il s’était effondré en plein milieu du salon en rentrant un soir du boulot, à 22 h 45 précisément. » (P.35)
Mais Marine a prévu de s’absenter quelques jours. Elle doit se rendre au Brésil, pour raisons professionnelles. Après de nombreuses hésitations, elle finit par partir, mais décide d’avancer son billet retour afin d’être plus rapidement rentrée chez elle, auprès de son mari dépressif et de sa fille de quatre ans. Ce nouveau vol de retour, Rio de Janeiro – Paris, est prévu pour le 1er juin 2009…
« Surtout, essaie de te lever tôt demain : Julie ne reste jamais tard au lit. Embrasse-la bien fort pour moi. Et fais attention à vous deux… Ah ! Au fait, je viens d’échanger mon billet de retour pour l’avancer à lundi. Je serai sûrement dans un triste état, je n’aurai même pas besoin de Stilnox pour le vol ! Bisous et… je t’aime très très fort ! ». (P.75)
À mon humble avis :
« Malgré nous… » est le deuxième roman de Claire Norton. Alors, j’avoue ne pas avoir fait les choses dans l’ordre puisque j’ai découvert l’auteure avec son premier roman, « En ton âme et conscience… », puis j’ai lu son troisième ouvrage, « Ces petits riens qui nous animent… », et je finis la boucle Norton par le second livre édité. Mais si j’ai tout lu de ce qu’a écrit l’auteure, vous comprendrez bien que c’est parce qu’elle a su acquérir mon lectorat fidèle dès son premier livre !
Cette auteure très contemporaine sait faire en sorte que vous vous attachiez profondément à ses personnages. Son texte est travaillé en profondeur et les intrigues y sont multiples. Et bien que « Malgré nous… » ne soit pas mon préféré, je dois reconnaître que la plume de Claire Norton est toujours aussi agréable à lire.
De plus, à aucun moment je n’ai eu le sentiment de m’ennuyer ou de subir des longueurs, comme j’ai pu le lire auprès de certains commentaires sur le Net qui ne sont pas justifiés à mes yeux.
L’impression que j’ai, en tant que lectrice, c’est qu’elle a vraiment cherché à diversifier ses thématiques, d’un roman à l’autre. Et le pari est globalement réussi. Par contre, elle a gardé sa marque de fabrique avec ses trois petits points qui viennent compléter chacun de ses titres. La question que je me pose, du coup, est de savoir si le prochain roman aura lui aussi droit à des suspensions…
Ce qui fait la différence :
Il y a beaucoup d'éléments qui font la différence dans « Malgré nous… ».
C’est une histoire d’amitié entre trois adolescents, une histoire profonde et sincère, « à la vie, à la mort ». Trois jeunes garçons qui vont prendre de l’âge pour devenir des hommes, des pères, des maris. Mais trois êtres liés comme les doigts de la main malgré le temps qui passe. Alors, cette amitié, bien sûr, d’une certaine manière, on l’envie, on la désire. Mais plus on avance dans le livre, plus on s’interroge sur jusqu’où nous serions prêt(e)s à aller pour sauver un(e) ami(e).
« Autant de dettes d’amitié que Maxime avait envers Théo. Mais là, ce n’était pas pareil. Car aujourd’hui, le contrôle de la situation lui échappait totalement. Et il ne pouvait absolument rien faire. Si ce n’était tenter d’aider son ami à surmonter l’insurmontable, et attendre à ses côtés le verdict du destin. Il inspira donc lentement à pleins poumons et resserra lentement sa main sur l’épaule de Théo. » (P.93)
À la fin du roman, l’auteure explique avec ses mots qu’il était important à ses yeux d’écrire au sujet de l’accident le plus meurtrier de l’histoire de la compagnie aérienne Air France, survenu le 1er juin 2009.
« C’est en pensant à toutes ces personnes, mais également aux hommes, femmes et enfants qui se trouvaient réellement dans cet avion que j’ai écrit cette histoire. »
(Note de l’auteur P. 392)
Et incontestablement, son hommage est réussi.
Que vous dire de plus sans compromettre l’intrigue, sans dévoiler ce scénario qui, à un moment donné, tourne à l’enquête presque policière ?
Que le livre aborde des sujets douloureux, mais légitimes comme la dépression due au surmenage professionnel dans un monde qui va toujours trop vite et qui dépersonnalise l'humain, que dans la vie il n’y a pas d’âge pour revoir ses priorités, qu’un père et sa fille peuvent entretenir une fabuleuse complicité, qu’un homme amoureux pourrait mourir pour celle qu’il aime, et que l’amitié peut nous pousser à faire des choses terribles, malgré nous…
Bravo à l’auteure et belle lecture à vous !
408 pages / Juin 2019 / Editions Robert Laffont
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