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LES CARILLONS DU NARCOSISTAN – Ibrahima CISSÉ – Roman

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022


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Les carillons du Narcosistan

Où allons-nous ? En Afrique, en Europe, en Irak, en Afghanistan, au Chili.


À quelle époque ? Contemporaine principalement, avec quelques retours dans un Chili sous dictature


Venez, je vous raconte de quoi il est question :


« J’étais très loin d’imaginer l’ampleur du désastre dans le monde. Mon fils est mort dans cette ampleur, loin, si loin de chez nous. Je ne l’avais pas vu depuis quinze ans, mais je pensais à lui chaque jour, avec amour. Mon fils faisait du bien aux autres, car il était médecin, un bon vrai médecin. […] Mais il est mort par la folie humaine. Il est mort alors qu’il partait aider les gens, à cause de la drogue, de l’argent et du pouvoir. Les hommes deviennent fous pour le pouvoir. […] Je ne peux que remercier Julieta, Simon, et leurs amis de m’avoir apporté la vérité et m’avoir rapporté Franco. C’est important pour une maman de connaître la cause de la mort de son enfant. » Éphygénie Agbégniadan Agassa (au tout début du roman)


Simon est le meilleur ami de Franco. Tous deux ont travaillé dans l’humanitaire en tant que médecins. Être envoyés par des organismes internationaux dans les zones les plus dangereuses du monde pour soigner les populations, y côtoyer la mort et la folie des hommes, ceci aura longtemps été leur quotidien.


« Pour la première fois, je me sentis coupable de ne rien dire, coupable de la politique de mon père. Copieusement coupable d’être coupable. Et pour la première fois également, nous fûmes traités de métis, d’étrangers et même de blancs dans notre propre pays. […] Après sept années de silence ou de fidélité à mon paternel, je bus pour essayer de comprendre, d’examiner en bon clinicien la situation de mon pays, de ma vie, de mes choix, mais rien n’y fit, un exil moral et volontaire était mon seul recours. » (Simon, à 6% de la version numérique)


En République Démocratique du Congo, Simon fait la connaissance de Julieta, « une jeune femme charmante et charismatique », journaliste engagée et fille d’exilés chiliens ayant principalement grandi à Barcelone.


« Comme moi, elle était contractuellement venue dans le Nord-Kivu pour transcrire des articles journalistiques et prendre quelques photos des enfants congolais. Ces enfants des rues de Goma aux rêves cauchemardesques et éphémères, ces enfants déjà anciens tueurs, ces enfants orphelins ou abandonnés. Dans ce bar club pour expatriés, entre moi, le lâche, le fils de militaire au pouvoir rude et tyrannique et cette fascinante fille d’exilés d’un Chili sous Pinochet, le face à face s’avérait logiquement délicat et embrouillé. » (8% de la version numérique)


Cependant, après quelques missions, Simon se retire de l’aventure périlleuse pour retrouver son confortable cabinet médical à Abidjan (Côte d’Ivoire). Julieta le suit. Une idylle tumultueuse débute entre les deux personnages, mais Julieta ne fait partie de ces personnes capables de se résigner sur le sort malheureux des plus faibles.


« Le bonheur, pour elle, ne se mesurait pas sur ce qui pouvait lui arriver de bien, mais sur sa capacité à transformer la vie des autres. Elle disait toujours que l’individualisme n’existait probablement dans aucune des langues ivoiriennes et elle avait raison : c’était la pire invention des envahisseurs occidentaux. Son engagement lui avait été transmis directement par le sang, ce qui faisait qu’elle avait un rapport laborieux avec le temps, le passé était comme une maladie chronique qui la rongeait sans qu’elle ne s’en rende compte. » (10% de la version numérique)


Lorsque Simon apprend la mort de son ami en mission humanitaire, il décide de ramener lui-même la dépouille de Franco auprès des siens, au Togo. Mais pour pouvoir effectuer ce dernier voyage, honorer la mémoire du médecin défunt et découvrir la vérité au sujet de sa mort, il va devoir faire preuve d’un grand courage, mener une enquête aux ramifications sinueuses et exposer sa vie, ainsi que celles de ceux qu’il aime.


« Le danger était partout, il pouvait venir de n’importe qui, à n’importe quel moment, même le patient dans une salle d’opération pouvait être une sévère menace. Un jeune enfant, une vieille dame, tous pouvaient porter des engins explosifs et la mort avec eux. Il y avait de quoi devenir fou, à force d’imaginer le danger permanent. » (34% de la version numérique)


À mon humble avis :


Le roman d’Ibrahima Cissé est une vraie réussite! L’auteur nous embarque dans une aventure à bout de souffle sur plusieurs continents. Il maîtrise son sujet, je dirai même ses sujets, car ils sont multiples dans « Les carillons du narcosistan ». Des dérives des organisations humanitaires en passant par le trafic de drogue à échelle mondiale, Ibrahima Cissé ne perd pas en cours de route son fil conducteur, à savoir : l’humain, au centre de tout.


Dans l’ouvrage, les réflexions philosophiques sont également nombreuses, nous demandant sans cesse à nous interroger sur le bien-fondé de multiples éléments. Ibrahima Cissé ne dresse pas ici une critique du système. Il invite plutôt son lecteur à se poser de bonnes questions, celles qui gouvernent un monde dominé par le profit, l’argent et le pouvoir. Que reste-t-il d’humanité dans tout cela ?


« Tuer ou se faire tuer est une tradition familiale, c’est l’apocalypse en temps réel, on dirait des moineaux sous une fervente canicule. Le sort du monde se joue sous le reflet de leur pays, les dichotomies et les discordes religieuses qui s’y déroulent sont devenues planétaires sous nos yeux. Les similitudes entre politique, humanitaire, religion et vente de drogue n’ont en aucun cas jamais présenté tant de ressemblances dans leurs rapports et impacts sur les sociétés. Le pays est privatisé, sous transfusion. » (2% de la version numérique)


Ce qui fait la différence :


Au-delà de l’intrigue du roman, c’est incontestablement l’étoffe des personnages qui apportent, selon moi, sa plus-value aux « carillons du narcosistan ». On s’attache à Simon, mais on sent que l’auteur a fait le choix d’accorder une place centrale à Julieta. Là où Simon doute et hésite et trébuche, Julieta fonce tête baissée, prête à tout pour découvrir la vérité et réparer les tords infligés aux innocents de la vie. Julieta est une guerrière, au sens littéral du terme.


« Arrête de jouer à ton fataliste à deux balles, arrête d’insulter ton intelligence, tu vaux mieux que ça. Je suis sûre que Franco n’aurait rien fait s’il avait été à ta place, et je peux encore lui trouver une bonne excuse : il n’aurait pas eu les moyens, mais toi Simon ! Regarde-toi ! Fais quelque chose, bouscule ton ONG, ramène le corps à sa maman avec des explications. » (55% de la version numérique)


Je citerai également Abdul Wahid, le jeune interprète de Simon en Afghanistan, qui m’a sensiblement touché. Abdul, ou le martyre d’une génération sacrifiée sur l’autel de la guerre, de la violence et de la drogue.


« Mister, chaque nuit, je prie pour me réveiller et chaque matin, je prie pour arriver à la nuit suivante. Et ainsi va la vie en Afghanistan. Al-Hamdu-Lil-Lâh, par la grâce d’Allah, je suis toujours en vie, Il me protège. Que peut-on faire d’autre ? » (37% de la version numérique)


« Mister, cette vie n’a pas de sens. Je vis parce que ma mère vit, je vis pour elle, le reste, je m’en fous. De toute façon, je sais que je vais mourir jeune, je ne sais pas encore comment, mais je le sens, je vis en étroit voisinage avec la mort, elle est devenue une compagne avec le temps. » (42% de la version numérique)


Belle lecture à vous et bravo à l’auteur !


204 pages / Juillet 2020 / Libre 2 Lire

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