Voici donc le dernier roman de Laurent Gounelle, un auteur très apprécié du lectorat français de par son écriture emprunte de nombreuses réflexions philosophiques et accessibles à tous. Je dois avouer qu’il n’est pas mon auteur favori. Cependant, ce qui m’a motivé à lire Le Réveil, sorti la semaine dernière, ce sont les commentaires des premiers lecteurs : « un ouvrage engagé ; un auteur qui ose enfin exprimer librement son opinion sur la crise que subit le monde depuis plus de deux ans ; 2019 : l’année du basculement ».
Et c’est vrai ! Laurent Gounelle nous offre ici un roman (que je qualifierais plutôt d’essai) qui se rapproche trop de la réalité pour être appelé dystopie ou roman d’anticipation.
« Tout a commencé le jour où un célèbre médecin, scientifique de renom et personnalité prisée des médias, déclara, preuve à l’appui, que toute mort avant 120 ans était une mort prématurée. » (P.13)
Tom, le narrateur, nous explique alors que la France bascule dans des prises de décisions gouvernementales assez surprenantes.
« Le gouvernement s’empara de la question. Le Président prit la parole à la télévision et déclara qu’il allait s’attaquer de front au problème. […] Le Conseil de défense se réunirait aussi souvent que nécessaire, sans doute chaque semaine, afin d’étudier la conjoncture et de prendre les décisions et les mesures qui s’imposeraient pour faire face à cette situation insupportable. […] Le pays est en guerre, avait déclaré le Président. En guerre contre la Mort. » (P.15)
Bon, je pense que vous avez compris où veut en venir Laurent Gounelle…
« Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. » Machiavel
L’État français décide de faire la chasse à la mort. Pour ce faire, des décisions de plus en plus drastiques et aléatoires sont prises et imposées aux citoyens. Exemple : il faut dorénavant conduire avec une minerve pour éviter le coup du lapin, car les accidents de la route entraînent des morts injustes, selon les spécialistes du gouvernement.
« Chaque jour apportait son flot de nouveaux reportages, de nouveaux témoignages. Les médias se mirent à annoncer chaque jour le nombre de morts de la veille, le nombre de blessés admis à l’hôpital, le nombre de mourants en réanimation. […] À chaque annonce, j’avais le sentiment que la mort se rapprochait un peu plus de moi, me guettait, me cernait, me menaçait dans ma chair. » (P.18)
Suivront de nombreuses autres mesures liberticides.
Il y a Tom. Et il y a Christos Anastopoulos, son ami grec, qui vit à Athènes. Les deux hommes se sont connus à l’époque où ils étaient étudiants. Tom s’enlise dans la peur de vivre à force d’avoir peur de mourir. Christos tente de le raisonner : « Faire la guerre à la Mort ? s’étonna-t-il un jour au téléphone. Cela ne revient-il pas à sacrifier la vie ? »
« — Quand une information qui induit une peur en toi est répétée à longueur de journée dans les médias, çà doit être un signal pour te dire que quelque chose se trame et que c’est certainement à tes dépens. La meilleure chose à faire est alors de prendre du recul et de te demander ce que ta peur peut apporter au pouvoir en place. […] Ça pue la manipulation des foules. […] Que tu es naïf mon cher Tom ! La plupart des grands médias de ton pays sont entre les mains de neuf ou dix milliardaires, tous en lien avec le pouvoir. Et la presse reçoit chaque année des dizaines de millions d’euros de subventions… » (P.22)
Pour tenter de sortir son ami de la peur, Christos décide alors de replonger dans d’anciennes lectures et de rédiger une « liste des techniques d’influence, rapide à lire » à l’attention de son ami. Entre autres, voici quelques points qui figurent dans cet « inventaire d’outils de manipulation des masses » : l’isolement, la monopolisation de la perception, l’induction de la débilitation, les menaces, les indulgences occasionnelles, les démonstrations de puissance, l’humiliation, le respect d’exigences dénuées de sens, l’émission d’injonctions paradoxales, la caricature des résistants, l’instauration de clivages au sein d’une même population…
« Toute l’histoire du contrôle sur le peuple se résume à cela : isoler les gens les uns des autres, parce que si on peut les maintenir isolés assez longtemps, on peut leur faire croire n’importe quoi. »
Le professeur Chomsky, fondateur de la linguistique générative, cité page 111.
De Platon à Épicure, en passant par Chomsky, Asch, Bernays, Biderman, Laurent Gounelle nous offre ici un ouvrage très documenté (voir les références à la fin de l’ouvrage) qui nous donne à réfléchir sur notre condition humaine et notre liberté, à la fois citoyenne, mais aussi individuelle : Le Réveil.
« La manipulation est aux démocraties ce que la matraque est aux régimes totalitaires. » Noam Chomsky
Belle future lecture et bravo à l’auteur pour ce texte engagé et courageux !
198 pages / Sorti en février 2022 aux Éditions Calmann-Levy
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