Dans le cadre de l’écriture de mon prochain roman, j’effectue beaucoup de travaux de recherches historiques. Ceci me permet de (re)découvrir des faits assez surprenants que je partage avec vous au fur et à mesure de mes lectures et de mes visionnages. Aujourd’hui, je vous propose de revenir sur la véritable histoire du « radeau de la Méduse », avec comme toile de fond l’œuvre mondialement connue de Géricault, exposée au Musée du Louvre, à Paris.
Le 17 juin 1816, une frégate française portant le nom de la Méduse quitte l’île d’Aix en France pour rallier Saint-Louis du Sénégal. Le bateau est chargé d’acheminer du matériel administratif, des militaires affectés au Sénégal, ainsi que des fonctionnaires de l’État français, notamment le colonel Schmaltz, nouveau gouverneur de la colonie du Sénégal. Le commandant du bateau, Hugues Duroy de Chaumareys, est un noble royaliste qui n’a presque plus navigué depuis l’ancien régime.
La frégate de la Méduse part accompagnée de trois autres navires : l’Écho, l’Argus et la Loire. Rapidement, de Chaumareys distance les autres bateaux, car le sien est plus rapide. Il n’écoute pas les avis de ses officiers, se trompe dans l’estimation de la position du navire par rapport au banc d’Arguin, au large des côtes de la Mauritanie.
Il décide de raser les hauts-fonds, et le 02 juillet la frégate s’échoue sur un banc de sable, à 60 kilomètres des côtes.
Après avoir tenté plusieurs fois de remettre le bateau à l’eau, l’équipage construit un radeau de 26 mètres sur 7. Entre temps, une violente tempête se déchaîne sur la frégate échouée. La quille du bateau finit par se briser.
Il contient alors 245 passagers. Le commandant, les officiers, le gouverneur et sa famille décident en secret d’abandonner le bateau avec les canaux de sauvetage (6 au total). 88 personnes prendront les canaux et 157 seront forcées de s’installer sur le gros radeau remorqué à l’arrière. Mais le radeau ralentit les canaux, manœuvrés à la rame.
Ainsi, le commandant décide de couper les liens. Duroy de Chaumareys et ses compagnons atteindront la côte sénégalaise quatre jours plus tard. Ceux du radeau de la Méduse essayent de regagner la côte, mais dérivent durant 13 jours sans eau ni nourriture…
Le 17 juillet 1816, le commandant envoie l’Argus, non pas pour secourir les naufragés, mais pour récupérer trois barils remplis de 90 000 francs en pièces d’or qui sont restés sur la Méduse. Le commandant est alors persuadé que personne n’a survécu, mais il reste 15 survivants parmi les naufragés.
Lorsqu’ils raconteront leur périple, le récit atroce de leur abandon et de leur survie défrayera les chroniques de l’époque. Le commandant sera condamné à 3 ans de prison militaire.
Quant au jeune peintre Théodore Géricault, il sera bouleversé par ce drame et mettra un an (1818-1819) pour réaliser une toile fascinante de 5 mètres par 7. Pour réaliser son œuvre, il demandera à deux des survivants de poser pour lui, construira un modèle réduit de la Méduse et il ira même dans les morgues et les hôpitaux pour appréhender la couleur et la texture de la peau des mourants. Certains racontent qu’il aurait entassé dans son atelier des cadavres pour se rapprocher le plus possible de la réalité vécue par les naufragés...
Alors, on a tendance à retenir le côté macabre du radeau de la Méduse : des hommes saouls à longueur de journée sous un soleil torride (il n’y avait pas d’eau, mais des cargaisons de vin sur la Méduse) qui se sont entretués et/ou mangés entre eux. Mais on oublie souvent de nous parler de la part de responsabilité du commandant Duroy de Chaumareys dont le fils, écœuré par le comportement de son père, a préféré se donner la mort lorsqu’il a appris la vérité.
Dans le résumé de son ouvrage intitulé « Le radeau de la Méduse », publié en 2015, le critique d’art Jonathan Miles écrit : « Histoire emblématique de commandants mesquins, de victimes sacrificielles et d'artistes héroïques, l'affaire du Radeau de la Méduse semble trouver dans l'époque actuelle un parallélisme parfait qui en fait non pas le compte-rendu d'un fait divers du XIXème siècle, mais plutôt une anticipation féroce et visionnaire de notre temps. ». Pour lui, l’expérience de vie et de mort de ces hommes les a conduits « aux frontières de l'existence humaine. Devenus fous, reclus et affamés, ils massacrèrent ceux qui comptaient se rebeller, mangèrent leurs compagnons décédés et tuèrent les plus faibles. »
À méditer !
Crédit photo: Wikipedia et le Musée du Louvre
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