Où allons-nous ? Sur l’île Beaumont, une île (littéraire) au milieu de la Méditerranée.
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Nathan Fawles est un écrivain franco-américain de renom, qui, en pleine gloire, décide de se retirer du monde et de celui de l’écriture, sans explication. C’était il y a vingt ans.
« Absent de la scène littéraire depuis près de vingt ans, l’auteur du mythique Loreleï Strange continue de susciter une véritable fascination chez les lecteurs de tout âge. Retiré sur une île de la Méditerranée, l’écrivain refuse obstinément toute sollicitation médiatique. » (P.15)
Raphaël Bataille est un jeune-homme dont le rêve est de voir publier son premier manuscrit « La timidité des cimes » chez une grande maison d’édition française. Après avoir essuyé plusieurs refus, il quitte Paris, direction l’île Beaumont et nourri l’espoir fou que ce voyage lui permettra de rencontrer son écrivain préféré, le grand et unique Nathan Fawles. Pour subvenir à ses dépenses, il réussit à dénicher un travail saisonnier chez le seul libraire de l’île, Grégoire Audibert.
« J’étais ravi d’avoir décroché ce travail qui, d’après ce que j’avais cru comprendre des propos du libraire, me laisserait du temps pour écrire dans un cadre inspirant. Et qui, j’en avais la certitude, me donnerait l’occasion de rencontrer Nathan Fawles. » (P.31)
Et la rencontre entre les deux hommes aura bien lieu quelques jours plus tard, lorsque Raphaël jouera les curieux en s’introduisant dans la propriété de l’écrivain et manquera de se faire tuer à coups de fusil !
« Alors que je continuais de progresser prudemment sur les rochers, je crus apercevoir une ombre qui se déplaçait sur la terrasse intermédiaire. Était-ce possible que ce soit Fawles lui-même ? Je mis ma main en visière pour essayer de mieux distinguer la silhouette. Il s’agissait de celle d’un homme en train… d’épauler son fusil. » (P.50)
Quelque temps plus tard, le meilleur ami de Fawles, Bronco, un golden retriever, disparait. L’écrivain contacte son agent, Jasper Van Wyck, basé aux États-Unis et lui demande de publier un avis de disparition avec récompense pour celle ou celui qui ramènera l’animal.
« ̶ J’ai une formidable nouvelle, Nathan : on a retrouvé Bronco ! […] ̶ C’est qui au juste cette femme ? ̶ Mathilde Monney. Une Suissesse, je crois, en vacances sur l’île. […] Elle est journaliste au Temps, à Genève. Fawles soupira. Ça n’aurait pas pu être une fleuriste, une charcutière, une infirmière, une pilote de ligne… Il fallait que ce soit une journaliste.» (P.62-63)
À mon humble avis :
Voici un moment que je n’avais pas lu du Musso ! Pour la petite histoire, lorsque j’atteignais l’âge adulte et que les lectures obligatoires scolaires étaient incontestablement derrière moi (à mon plus grand soulagement ! Je l’avoue), je commençais réellement à apprécier la lecture ! Je pouvais enfin choisir les auteurs et les textes qui allaient m’emporter vers d’autres rivages.
Et c’est à ce moment-là que je découvrais la plume de Musso, de Jardin, de Levy et de bien d’autres auteurs contemporains français. À l’époque, j’ai quasiment tout lu de Musso : de « Et après… », à « Seras-tu là », en passant par « Parce que je t’aime » et « L’appel de l’ange ». Et puis, je me suis lassée, je l’avoue. Lassée du style d’écriture, lassée des scénarii de plus en plus tarabiscotés et presque sans fin de Musso. C’est comme si l’auteur, à un moment donné de son parcours et de son envolée médiatique, avait pris un tout autre chemin qui ne raisonnait plus chez moi. Le besoin de changer ? Des normes imposées par sa maison d’édition qui lui garantit la traduction de ses textes dans plus de 40 langues ? Allez savoir. Toujours est-il que Musso m’avait perdu en cours de route…
Et puis, je pars quelques jours en dehors de la capitale dakaroise et, dans la bibliothèque de mes amis, je tombe sur son avant-dernier roman : « La vie secrète des écrivains ». Et là, je me dis : « pourquoi pas ». J’avoue que c’est principalement le titre qui m’a attiré, étant moi-même auteure. Je me dis aussi : « Mais qu’est-ce que Musso est encore allé nous inventer ? » ou « Est-ce un roman introspectif ? ». S’en suit un après-midi lecture durant lequel j’engloutis littéralement La vie secrète des écrivains.
« ̶ L’essentiel, c’est la sève qui irrigue ton histoire. Celle qui doit te posséder et te parcourir comme un courant électrique. Celle qui doit te brûler les veines pour que tu ne puisses plus faire autrement que d’aller au bout de ton roman comme si ta vie en dépendait. C’est ça écrire. C’est ça qui fera que ton lecteur se sentira captif, immergé, et qu’il perdra ses repères pour se laisser engloutir comme tu l’as toi-même été. » Nathan à Raphaël (P.151)
Ce qui fait la différence :
Comme je le disais plus haut, l’auteur a changé son style d’écriture. D’une plume qui avait tendance à flirter avec le monde de l’invisible et à s’envoler à travers des relations amoureuses fortes, il est parti vers des horizons plus policiers. Et ici, il est incontestablement question d’une enquête au sujet d’une histoire de crimes dont il va s’agir de découvrir les bourreaux, mais aussi les victimes…
« Depuis la veille, une agitation fiévreuse secouait les insulaires. La découverte de ce corps de femme cloué au plus vieil eucalyptus de l’île avait bouleversé la population. » (P.86)
Et ce n’est ici que le début d’une grande chasse à courre qui ne s’achèvera qu’à la dernière page du roman ! Alors, si vous aimez les rebondissements littéraires, vous serez servi(e).
On retiendra également les réflexions de Nathan à l’égard de son « mini-lui », Raphaël, l’écrivain qui a du talent, mais qui n’a pas encore trouvé son public. Entre sarcasmes et bienveillance, Guillaume Musso utilise avec une grande dextérité le personnage de Fawles pour dispenser ses messages, ou pas. Allez savoir. Les écrivains sont des gens à part ! Ils vivent dans un autre monde, semble-t-il…
« ̶ Un roman, c’est de l’émotion, pas de l’intellect. Mais pour faire naître des émotions, il faut d’abord les vivre. Il faut que tu ressentes physiquement les émotions de tes personnages. De tous tes personnages : les héros comme les salauds. […] C’est un boulot pour les schizophrènes. Une activité qui requiert une dissociation mentale destructrice : pour écrire, tu dois être à la fois dans le monde et hors du monde.» (P.151-152)
À la question : « Mais n’est-il pas légitime d’éprouver l’envie d’interroger un écrivain sur le sens de son travail ? ». Nathan Fawles répond ceci : « Non, ce n’est pas légitime. La seule relation valable avec l’écrivain, c’est de le lire. » (P.45)
Bravo à l’auteur et belle lecture à vous !
352 pages / Avril 2019 / aux Éditions Calmann Levy
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