Où allons-nous ? Au Sénégal et en France
À quelle époque ? Des années 80 à aujourd’hui
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Le dernier roman de Joséphine Loppy se présente d’une manière tout à fait singulière. Durant les 90 premières pages, l’auteure reprend les faits historiques, politiques et sociaux qui se sont déroulés entre l’État du Sénégal et les différents mouvements de libération de la Casamance à partir des années 80.
« Les causes du conflit sont multiples et d’ordre socio-économique. Mais les éléments déclencheurs de ce soulèvement qui a conduit à cette répression d’une rare violence sont une succession d’évènements humiliants, sur une longue durée, qui ont fini par fâcher les populations. Cela a commencé par l’expropriation des terres pour des projets immobiliers de l’État dans la période d’après indépendance à 1970 et bien au-delà, en plus d’une série de dérives de toutes sortes. » (P.20)
Vient ensuite la partie romanesque : une histoire d’amour impossible entre une femme et un homme dont les destinées familiales les opposent radicalement. En effet, Fatima Zohra Cissé, avocate à Paris, n’est autre que la benjamine du Président de la République du Sénégal. Et l’homme dont elle tombe amoureuse lors d’une soirée mondaine parisienne, Mohamed Babacar Aurélien, cardiologue à Lyon, est le fils d’un rebelle appartenant au Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC).
« — C’est très difficile à expliquer, mais mon père fait partie du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance. Je sais que tu en as entendu parler. D’après ma mère, mon père est parti un beau matin sans préciser sa destination, lui disant qu’il serait de retour sous peu, tout en lui demandant de veiller sur ses enfants. » (Mohamed à Fatima P. 122)
À mon humble avis :
Joséphine Loppy signe ici son quatrième roman. Auteure d’origine sénégalaise et casamançaise, on ne peut qu’admirer le travail de retranscription historique qu’elle a effectué dans cet ouvrage. Ainsi, elle explique avec une grande pédagogie, à ses lecteurs, les sources du conflit entre la Casamance et l’État du Sénégal. Mais elle pousse la réflexion jusqu’à la recherche de solutions qui permettraient de mettre définitivement un terme à cette guerre qui dure depuis presque quarante ans.
Et si, la clé, c’était tout simplement l’amour ?
Ce qui fait la différence :
C’est l’originalité du roman qui comporte à la fois une partie historique pure, passionnante et une partie romanesque dans laquelle on espère une fin heureuse pour nos deux amoureux. On a envie de croire qu’ils finiront par se marier et que leurs familles réussiront à dépasser leurs différences au nom de l’amour.
Ce livre est également, selon moi, un devoir de mémoire pour les générations futures. Comment ne pas s’émouvoir d’un peuple qui se retourne contre lui-même ? Comment rester insensible à tant de souffrance ? Louis-Philippe de Ségur disait ceci : « Il faut tirer des leçons du passé, vivre sans retenue le présent, et anticiper l’avenir modérément. ».
Notons également de très belles descriptions littéraires de la magnifique région de la Casamance, un coin du Sénégal riche en Histoire.
Je conclurai cette chronique avec les aspirations de l’auteure :
« Mon souhait le plus cher, c’est de voir un jour cette belle région retrouver sa sérénité, et sa population sa joie de vivre. Qui connait la Casamance, et plus particulièrement, la région de Ziguinchor, sait que c’est une contrée merveilleuse, accueillante et plaisante. Une contrée où il faisait bon vivre avant l’avènement de ce problème qui nous a beaucoup éprouvés, et où il fait encore bon vivre, malgré le retentissement des canons, les kalachnikovs et les bruits de bottes. » (P.277)
Belle lecture à vous et bravo à l’auteure !
300 pages / Juillet 2021 / Éditions Harmattan Sénégal
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