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KINTU – Jennifer NANSUBUGA MAKUMBI – Roman

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022


kintu jennifer nansubuga makumbi
KINTU

Où allons-nous ? En Ouganda


À quelle époque ? Du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours


Venez, je vous raconte de quoi il est question :


Difficile de vous résumer Kintu en quelques lignes ! Ce roman-fleuve, qui comprend presque 500 pages, retrace l’arbre généalogique de Kintu Kidda, de ses épouses et de ses descendants. Véritable saga, l’ouvrage est divisé en cinq livres qui se déroulent à des époques différentes, entrelacées par les liens du sang, mais aussi ceux de la souffrance et de la malédiction ancestrale !


Kintu Kidda était un homme puissant et respecté qui gouvernait l’une des provinces du royaume du Buganda dans les années 1750. À l’époque, le Buganda était un royaume qui regroupait 52 clans du peuple Baganda (dans l’Ouganda actuel). Marié à deux sœurs jumelles, Nnakato et Babirye, Kintu aura quatre paires de jumeaux avec la seconde, et un fils unique (Baale) avec la première (sa favorite). À cette fratrie, viendra se rajouter Kalema, un fils adoptif, très proche de Baale. Mais lorsque Kalema disparait alors qu’il n’est encore qu’un jeune garçon, et dans des circonstances terribles, le vrai père de Kalema, Ntwire, jette un mauvais sort sur Kintu et sur tous ses enfants.


Mais, pour le moment, je ne vous ai raconté qu’un dixième de « Kintu ». En parallèle, au fur et à mesure des pages, vous découvrirez l’histoire de Suubi Nnakintu, une descendante de Kintu vivant au XXIe siècle et connectée avec les esprits de sa famille. Il y a aussi Kanani Kintu qui, de son côté, a totalement renié ses liens avec le monde de l’intangible pour consacrer sa foi et sa vie à une sorte d’église qui ressemble plus à une secte qu’autre chose. Enfin, il y a l’histoire d’Isaac Newton Kintu, qui, comme tous les autres descendants, a dû se battre pour s’en sortir dans la vie et dont l’épouse décède du VIH. La quête ultime du roman réside dans la réunification de la grande famille Kintu et d’une cérémonie mystique qui permettrait de se débarrasser de la malédiction.


À mon humble avis :


« Kintu » est le premier roman de Jennifer Nansubuga Makumbi, et c’est un franc succès littéraire ! Même si au départ, il peut sembler un peu difficile de se repérer dans la généalogie des Kintu, une fois que l’auteure nous a accrochés de par son style et son histoire, on ne lâche plus l’ouvrage.


Au-delà de la saga, Makumbi perle son texte de réflexions sociologiques et philosophiques sur un Ouganda postcolonial, un régime dictatorial qui a suivi et une guerre civile. Au milieu de tout cela, ses personnages tentent de s’adapter, mais surtout de survivre.


Ce qui fait la différence :


À travers la lecture de ce roman, j’ai eu l’opportunité de découvrir une autre Afrique, celle de l’Est, l’Afrique des Grands Lacs anglophone. Cette Afrique est différente en de nombreux points de l’Afrique subsaharienne, bien que de nombreux points communs subsistent. Pour écrire ce roman, Makumbi a réalisé un travail d’orfèvre ! Elle a su jongler avec une grande dextérité entre le XVIIIe siècle et l’époque contemporaine. Chacun de ses personnages nous pousse à continuer le roman, et, à aucun moment, l’auteure ne nous laisse le temps de souffler !


De plus, le livre s’inscrit dans la pure tradition de l’oralité africaine. Makumbi nous conte une histoire. En effet, elle sait puiser dans les formes orales pour ancrer son écriture dans la culture Ganda. Entre politique, religion et mythologie, elle nous embarque dans un univers sans frontière du temps.


Quant aux réflexions sociologiques et philosophiques, elles sont si présentes dans le texte, que je ne serais pas capable de les résumer dans une chronique. Je partagerai cette métaphore filée avec vous, pour vous donner un petit aperçu de ce qui vous attend dans la lecture de « Kintu » : EKISODE


« Contrairement au reste de l’Afrique, le Buganda se laissa attirer sur la table d’opération par des flatteries et des promesses. Le protectorat était la chirurgie plastique censée conduire plus rapidement le corps africain léthargique à la maturité. Mais une fois son patient sous chloroforme, le chirurgien fut libre de faire ce qui lui chantait. D’abord, il sectionna les bras et les jambes puis mit les membres noirs dans un sac-poubelle avant de le jeter. Il prit ensuite des membres européens et entreprit de les greffer sur le torse noir. Quand l’Afrique se réveilla, l’Européen s’était installé chez lui. […] Nous ne pouvons pas retourner sur la table d’opération pour réclamer les membres africains. L’Afrique doit apprendre à marcher sur des jambes européennes et à travailler avec des bras européens. Avec le temps, les enfants naitront avec des corps évolués et, avec le temps, l’Afrique évoluera en fonction de sa nature d’ekisode et prendra sa forme la meilleure. Mais celle-ci ne sera ni africaine ni européenne. Alors la douleur s’estompera. » (P.358-359)


Avec Kintu, l’auteure a remporté le prix Kwani, décerné par un magazine littéraire Kenyan ainsi que les prix du Commonwealth short story, et le prix Windham-Campbell dans la catégorie fiction. Et avec son deuxième roman, The First Woman, édité cette année, elle remporte déjà le prix Jhalak.


Belle lecture à vous et bravo à l’auteure !


480 pages / Aout 2019 / Aux éditions Métailié


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