C'est le deuxième ouvrage que je lis de cette auteure, et je peux vous dire que j'y ai trouvé autant de plaisir qu'avec le premier, Les grandes oubliées (Pourquoi l'Histoire a effacé les femmes).
On pourrait penser qu'il n'y a pas grand chose de passionnant à lire une biographie (même si le sujet principal de l'ouvrage s'appelle Honoré de Balzac), mais ce serait sans compter sur la plume mordante et passionnée de Titiou Lecoq qui nous embarque, avec "son frère", dans un XIXème siècle parisien atypique et bourré de rebondissements.
Que celui qui n'a pas été obligé d'étudier Balzac à l'école lève la main ! "Quel chanceux !" répondront certains. "Barbant", penseront beaucoup. Mais attendez de découvrir le personnage. Je peux vous assurer que vous allez revoir votre jugement.
Honoré de Balzac (de son vrai nom Honoré Balssa) et sa Comédie Humaine qui regroupe plus de 90 de ses ouvrages (romans, contes, essais, nouvelles...), Balzac pour qui le processus d'écriture était un travail sans fin, "une prolifération en corail" (comme disait la spécialiste de Balzac Suzanne Jean Bérard). Mais Balzac "n'est pas seulement le monument de la littérature française, le génie monstrueux qui dévorait génies et cafetières, c'est aussi un type qui a tout raté. Il existe un Balzac intime, humain, fatigué, qu'on pourrait nommer le plus gros poissard de l'histoire, et qui m'émeut et m'interroge infiniment plus que la figure du demi-dieu. Comment ne pas aimer un homme qui a cherché tous les moyens imaginables de faire fortune et s'est révélé le roi de la foirade ?"
Pour Titiou Lecoq, Balzac est notre frère à tous "parce qu'il s'est planté et s'est retrouvé fauché, ruiné, endetté, parce qu'il a couru après la thune pendant le reste de sa vie, parce qu'il avait des loyers de retard, parce qu'il était fatigué de tout cela mais qu'il finissait toujours par craquer et s'acheter le beau manteau qui lui faisait envie même s'il n'avait pas les moyens de se le payer, parce qu'il refusait d'accepter que d'autres aient une vie matérielle facile et pas lui".
Il poursuivait trois objectifs dans sa vie : il voulait devenir célèbre, devenir riche, et être aimé. Et sa force, c'est qu'il n'a jamais abandonné !
"Je n'ai qu'une seule bonne qualité, c'est la persistante énergie des rats, qui rongeraient l'acier s'ils vivaient autant que les corbeaux". Lettre à Zulma Carraud. Le 28 août 1837.
Homme de conquêtes, éternellement surendetté auprès de sa mère et de ses maîtresses bien souvent plus âgées que lui (quel scandale!), une plume proliférante, Balzac le monument était aussi un décorateur d'intérieur improvisé et très dépensier, aux goûts de luxe. Mais c'était aussi un homme d'affaires qui, soit, s'est planté en beauté sur de nombreux investissements financiers (de une parce qu'il était exécrable pour tenir les comptes d'une entreprise, de deux parce qu'il n'était pas né sous une bonne étoile, mais surtout parce que c'était un précurseur, bien trop en avance sur son époque), mais qui disposait d'un génie infatigable !Balzac écrivait la nuit comme le jour. Il s'enchaînait à son bureau, écrivait, réécrivait, encore et toujours. Il rendait fou les imprimeurs à force de modifier son texte. Et sa mère aussi, à qui il devra de l'argent toute sa vie. Et à Eva, sa maîtresse russe, la seule qu'il arriva à épouser vers la fin de sa vie.
Balzac, c'est aussi l'un des rares auteurs de son époque qui a osé lever le voile sur un tabou de taille dans le monde de la littérature : celui d'écrire pour gagner de l'argent. "Honoré désacralise l'écriture et c'est insupportable aux yeux de certains. Pourtant, c'est le meilleur moyen de se mettre à écrire pour de vrai. Mais au début du XIXème siècle comme au début du XXème siècle, et c'est encore le cas de nos jours, faire publiquement le lien entre production littéraire et argent est un blasphème". Il écrira même à ce sujet que "vivre de sa plume est une entreprise monstrueuse de folie".
Honoré de Balzac vivra sa vie comme dans un roman. Il saura bâtir des mythes autour de sa fameuse canne et de sa personne. Il leurrera ses créanciers qui le harcèleront pour encaisser ses dettes. Il fuira Paris plusieurs fois pour les mêmes motifs. Balzac amoureux et Balzac en cavale, souvent !
Son ami, Théophile Gautier écrira ceci au sujet des yeux de Balzac : "Il n'en exista jamais de pareils. Ils avaient une vie, une lumière, un magnétisme inconcevable". Balzac irradiera ses contemporains de part sa personnalité. George Sand le dépeindra comme "sincère jusqu'à la modestie, vantard jusqu'à la hâblerie, confiant en lui-même et aux autres, très expansif très bon et très fou".
Bon vivant malgré les coups très durs, communicatif, toujours confiant en l'avenir, Honoré de Balzac a su traverser les siècles et rester bien vivant dans la mémoire des amoureux de la littérature.
Merci à Titiou Lecoq pour cette biographie qui mérite vraiment le détour.
137 pages / Publié en octobre 2019 aux Editions de l'Iconoclaste
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